Fiche technique :

Notre avis sur le film JEANNE DU BARRY

Présenté en ouverture « hors compétition » au 76e Festival de Cannes, Jeanne Du Barry, co-écrit et réalisé par Maïwenn, avait de quoi intriguer, suscitant ce doux parfum de scandale dont les médias et leurs vantardises excessives de polémiquer, sont friands.

Pourtant, malgré toutes cette mauvaise presse – parfois injustifiée – et en dépit de toutes ces controverses extérieures qui nous obligent aujourd’hui à être lisses et bien-pensants dans nos actions et nos pensées, Jeanne Du Barry arrivait à point nommé. L’histoire, c’est celle de Jeanne Vaubernier, fille du peuple, qui veut s’élever socialement et qui finira par connaître une ascension fulgurante au sein de Versailles comme Favorite officielle du Roi. Mais plus que tout, le long-métrage se concentre sur son histoire d’amour avec Louis XV, permettant ainsi de comprendre tous les enjeux de son  évolution sociale au sein de la Cour, où les us et coutumes oppressantes de la monarchie appellent à l’hypocrisie générale. Le film parle, avec une tendresse inattendue et beaucoup d’humilité, d’une rencontre, celle inévitable. Et celui d’un coup de foudre, presque immédiat.

En s’appropriant personnellement le personnage historique de Jeanne Du Barry, la réalisatrice construit son récit comme un douloureux miroir d’une trajectoire commune, cernant au mieux les contours de cette femme moderne, courageuse et avide de s’élever, qui fut le plus grand rejet de la Cour. On peut très facilement lui reprocher un académisme assumé dans sa réalisation, sans révolutionner le genre du film d’époque. Néanmoins, il fait preuve de modernisme et de fantaisie qui s’accorde volontiers au genre donné. C’est un film d’un autre temps, aux dialogues contemporains, surfant sur le biopic, mais dont son appropriation personnelle se confond pour devenir une oeuvre à l’image de sa cinéaste : délibérément sauvage, sensuelle et fantasmagorique. Il faut se départir de tout événement politique (Dieu merci !) ou contextuel afin d’apprécier au mieux ce qui se déroule sous nos yeux : celui du destin de cette jeune-femme courtisane, partie de rien et dont la trajectoire va soudain l’emmener à la Royauté et à cet amour inespéré.  La manière dont est justement représenté à l’écran cet amour unissant Jeanne et Louis XV est parfaitement maîtrisée. Cela en est presque douloureux de les voir se séparer, car cet attachement profond l’un envers l’autre est palpable par sa remarquable mise en scène.

Le cinéma de Maïwenn, qui a pour habitude de nous offrir des personnages qui se rentrent dedans, se bousculent et implosent dans un langage verbal et gestuel qui lui est propre, semble ici étonnamment plus sage et aguerri. Mais cela ne tient que de l’apparence, car la violence   représentée céans est dans tout ce qui compose Versailles et la figuration de ses personnages tour à tour cruelles et méprisants. Les plans intérieurs et extérieurs du Château de Versailles – entre reconstitution réussie des faux décors et des lieux authentiques à Versailles – renforcent l’idée d’une prison dorée où la liberté d’être et d’aimer n’existe pas et que seul le jugement et la bienséance comptent.

Malgré son accent prononcé qui pourrait en déplaire à certains, ou dénaturer l’illustre  Roi de France pour d’autres, l’interprétation de Johnny Depp reste remarquable en Louis XV prouvant toute son implication en tant qu’acteur pour ce rôle de composition. C’est même d’ailleurs un des rares acteurs de sa génération qui, rien qu’en rentrant dans une pièce sans dire un mot, peut tout dire avec l’intensité de son regard. Habituer à son jeu d’acteur très expressif et/ou burlesque, l’ancien Edward aux mains d’argent fait  ici figure d’un personnage plus ancré dans la réalité entre ardeur, lassitude et mélancolie, ce qui lui réussit plutôt bien. Maïwenn est délicieuse et enfantine, un brin provocatrice, en Jeanne du Barry, fortement inspirée par l’aura et le parcours atypique de cette femme en avance sur son temps, désireuse de bousculer les codes. Mention plus qu’honorable à Benjamin Lavernhe, inoubliable dans son rôle de vallée intime du Roi, accompagnateur et complice dans l’ombre de Jeanne.

Exit les mauvaises langues ou les nombreuses polémiques qui l’entourent : Jeanne Du Barry est un très beau film d’époque, qui n’est pas parfait, certes, mais qui a le mérite de sortir des sentiers battus en proposant à la fois quelque chose de résolument moderne et classique, sans nous faire ronfler sur notre siège.

En mettant en lumière ce personnage historique et avant-gardiste, avide de grandir intellectuellement, Maïwenn nous offre sa propre vision de Versailles : celle à la fois romantique et fantasmée d’où une histoire d’amour clandestine est née, et de l’autre une vision  plus atterrée : reflet d’une société conformiste, aux règles établies, étrangère à la nouveauté qui ne cesse de vouloir rejeter ceux qui sont différents d’eux. Jeanne Du Barry, présentée de manière très personnelle et personnifier comme l’a fait Maïwenn, était finalement un peu cette femme révolutionnaire dans l’âme et le corps, qui n’avait peur de rien mais qui avait tout à perdre par simple désir d’aimer et d’être accepté dans une société qui ne voulait pas d’elle.

Par Rémi Vallier.

NOTRE NOTE

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