C’est quoi un « O.F.N.I » ?

Un film invisible ?

Un horrible nanar ?

Une série Z épouvantable ?

En fait c’est notamment tout cela à la fois, mais heureusement pas seulement.

Un OFNI est un Objet Filmique Non Identifié

à savoir qu’il ne relève d’aucun genre, ou du moins, même s’il appartient à un genre précis, que sa singularité en fait un Ofni à l’intérieur même de sa propre catégorie. Un Ofni est un film totalement en dehors des sentiers battus qui, d’une certaine façon, ne ressemble en rien à un film normal.

Dans cette rubrique, nous allons vous présenter à chaque fois un OFNI,

alors bonne découverte !

EXISTENZ

Fiche technique :

Année : 1999
Durée : 1h36

Synopsis : Dans un avenir proche, une créatrice de génie, Allegra Geller, a inventé une nouvelle génération de jeu qui se connecte directement au systeme nerveux : eXistenZ. Lors de la séance de présentation du jeu, un fanatique cherche à la tuer. Un jeune stagiaire en marketing, Ted Pikul, sauve la vie d’Allegra. Une poursuite effrenée s’engage autant dans la réalité que dans l’univers trouble et mysterieux du jeu.

L’un des plus remarquables films d’anticipation

Partiellement inspiré de l’affaire Salman Rushdie, eXistenZ constitue l’un des plus remarquables films d’anticipation, et sans doute le plus intelligent, sur les jeux vidéo, les univers virtuels et le bio-punk. La construction en poupées russes, étagée sur quatre niveaux de narration (!), ne permet pas d’appréhender l’ensemble du récit dès la première vision. Mais la rigueur implacable de ce labyrinthe narratif ne laisse pas de procurer une véritable ivresse au spectateur : l’ivresse des profondeurs.

Un cauchemar dont on arrive pas à se réveiller

Le film réussit ainsi à recréer, sinon la logique d’un jeu vidéo, en tout cas celle d’un cauchemar dont on n’est jamais sûr d’être véritablement parvenu à se réveiller : l’enchaînement surréaliste des décors, le jeu véritablement biomécanique des avatars les moins sophistiqués, l’inquiétante étrangeté des accessoires et des situations, laissent à penser que Franz Kafka aurait pu contribuer à la conception du scénario (que David Cronenberg a d’ailleurs cette fois écrit lui-même).

L’univers de Cronenberg a toujours fourmillé d’êtres hybrides (La Mouche), d’étranges objets chirurgicaux (Faux semblants). Dans eXistenZ, les armes à feu sont constituées d’ossements d’animaux, hybrides eux aussi, les balles sont de véritables dents humaines (!), et les consoles de jeux ont l’aspect de foetus caoutchouteux ou de sextos. Quand aux joueurs, connectés entre eux par des sortes de cordons ombilicaux branchés à des sphincters artificiels, au bas du dos, ils finissent par s’égarer dans l’incertitude crépusculaire des allers-retours entre monde virtuel et réalité.

On y retrouve les thématiques de Cronenberg

Au coeur de ce troublant bestiaire, on retrouve évidemment toutes les thématiques abordées par Cronenberg dans ses longs-métrages précédents : l’univers bio-médical, l’idée de transformation du corps.

Cronenberg avait déjà abordé le thème du monde virtuel dans Vidéodrome en 1982, mais ici il va plus loin et, sous couvert de science-fiction, nous parle d’un monde étrangement familier : le nôtre, avec ses expérimentations hasardeuses, ses excès numériques et ses dérapages non contrôlés pour, toujours, fuir le réel.

Au final, l’entreprise finit par générer un singulier malaise, mais un de ces malaises dont on se réveille grandi et incapable, désormais, de poser le même regard sur la réalité qui nous entoure. C’est ainsi qu’avec ce film inclassable (science-fiction serait un peu court), Cronenberg entre par la grande porte dans la famile des Ofni fantastiques, ce qui n’est sans doute pas pour lui déplaire.

Source : « Les Ofni du cinéma fantastique & de SF « 

par Alain Pozzuoli et Philippe Sisbane